La Collection numismatique nationale de la Smithsonian Institution est considérée comme la plus importante du genre dans le monde
Dissimulée parmi les nombreuses merveilles du Musée national d’histoire américaine de la Smithsonian Institution à Washington se trouve une pièce sans prétention encombrée de modestes classeurs, mieux connue sous le nom de « chambre forte ». Cette pièce contient à peu près 1,6 million de formes d’argent physique et autres objets d’échange.
Ces objets appartiennent à la Collection numismatique nationale (NNC) des États-Unis, qui est considérée comme la plus importante collection du genre dans le monde et qui contient des artéfacts historiques des États-Unis, évidemment, mais aussi du monde entier. Selon Ellen Feingold, conservatrice de la NNC, ces objets « proviennent de tous les continents habités et couvrent plus de 3 000 années de l’histoire humaine ».
Un exemple ? Une minuscule pièce d’ambre de la taille d’un bouton d’oreille qui provient de la Lydie (sur le territoire de l’actuelle Türkiye) du VIIe ou VIe siècle avant notre ère. La collection comprend aussi un spécimen chinois vieux de 2 000 ans de « monnaie couteau », soit une pièce de monnaie en bronze ayant la forme d’un couteau, non pas pour couper quoi que ce soit, mais pour représenter un objet de valeur, et un billet de banque remontant à l’époque de la dynastie Ming au XIVe siècle. Il y a aussi des billets de banque datant des colonies américaines, avec leur large éventail de motifs et d’inscriptions (notamment une mention signifiant « toute contrefaçon est passible de la peine de mort »), et des chèques personnels signés de la main des tout premiers présidents américains.
Les anciens billets américains de la collection font apparaître des thèmes picturaux diversifiés qui tranchent avec les thèmes habituels comme les pères fondateurs et la statue de la Liberté, selon Feingold. « On y voit des symboles industriels, notamment des chantiers navals et des trains. On y voit aussi une femme trayant les vaches et un enfant caressant des lapins. Certaines images sont empreintes de respect et témoignent d’une profonde réflexion, tandis que d’autres sont, dans notre optique moderne, dégradantes et inappropriées, notamment des scènes qui évoquent l’esclavage ou des représentations stéréotypées des populations autochtones », poursuit-elle.
« Dans notre monde de plus en plus numérisé, il y a des enseignements à tirer de ces collections de monnaies physiques », estime Feingold. Ces artéfacts évoquent non seulement l’histoire politique du pays, mais aussi les fondements culturels des valeurs, de la confiance, de la beauté artistique et de l’identité collective de leur époque. Elle attire à ce sujet notre attention sur une pièce du Ve siècle avant notre ère venant de la Grèce antique : « On y voit une chouette qui représente Athènes. Sur le revers de la pièce figure une représentation de la déesse Athéna. Athènes utilisait donc ces pièces pour affirmer au monde : « Voici qui nous sommes, voici notre déesse protectrice. » Il s’agit d’une évolution notable de la manière dont un groupe humain se perçoit et utilise sa monnaie pour projeter cette perception de lui-même. » Selon Feingold, la nature et la qualité des matériaux utilisés dans la fabrication de la monnaie sont révélatrices de la prospérité économique de ces sociétés du passé.
La chambre forte de la NNC est ouverte sur rendez-vous aux chercheurs, et l’on s’efforce actuellement de numériser peu à peu la collection. Certains éléments choisis de la collection sont présentés au public dans le cadre de plusieurs expositions, par exemple « The Value of Money» (où l’on peut observer un anneau de pierre de la taille d’un pneu provenant de l’île de Yap en Micronésie) et « Really BIG Money», plus particulièrement destinée aux enfants. F&D
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