Credit: IMF Photo/Ebunoluwa Akinbo

Graphique de la semaine

Stimuler la croissance économique dans les pays africains fragiles ou touchés par un conflit

Bonifier les institutions, améliorer la gouvernance, renforcer la mobilisation de la population et créer des partenariats internationaux sont autant d’éléments cruciaux pour s’affranchir de la fragilité.

Plus de la moitié de la population de l’Afrique subsaharienne vit dans des pays fragiles ou touchés par un conflit (PFC), dont l’économie se heurte à d’immenses difficultés : stagnation de la croissance, fragilité des institutions, déficiences des services publics, pauvreté absolue, guerres et déplacements forcés.

Certains pays ont réussi à s’extraire de leur état de fragilité extrême en mettant en œuvre des politiques macroéconomiques solides, en diversifiant leur économie et en consolidant leurs institutions. Toutefois, comme nous l’expliquons dans notre note d’analyse intégrée aux Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne, il sera difficile pour de nombreux PFC de se remettre des chocs successifs des dernières années en raison d’une croissance erratique, de l’instabilité politique, de la vulnérabilité aux catastrophes naturelles et d’une forte dépendance à l’endroit des ressources naturelles.

Cette fragilité prélève un lourd tribut sur le plan humain. Étouffés par les restrictions budgétaires, des besoins de développement énormes et l’insuffisance des financements, les pays fragiles de la région figurent systématiquement dans le bas du classement selon les indicateurs de développement dans le monde. L’espérance de vie dans de nombreux PFC stagne à 60 ans, les taux de pauvreté y sont deux fois plus élevés que dans les autres pays de la région et les taux de réussite à la fin de l’école élémentaire sont toujours parmi les plus bas au monde. Si la tendance actuelle se maintient, d’ici 2030, deux tiers des personnes en situation de pauvreté absolue dans le monde vivront dans des pays fragiles, l’Afrique subsaharienne se situant à l’épicentre. 

De nombreux pays fragiles peinent à maintenir les poussées de croissance nécessaires pour s’extraire de la pauvreté. Comme le montre notre graphique de la semaine, si l’économie des pays d’Afrique subsaharienne non touchés par la fragilité ou les conflits a continué à croître après la pandémie, bien qu’à un rythme plus lent que celui annoncé dans les prévisions, les pays fragiles de la région, eux, n’ont jamais repris le terrain perdu et le revenu par habitant ajusté à l’inflation y demeure, en moyenne, inférieur au niveau de 2019. Lorsqu’un PFC est victime d’un ralentissement, il perd des recettes et son accès à des financements abordables se resserre, ce qui le force à réduire ses dépenses encore plus abruptement que les autres pays. Dans ce contexte, la contraction budgétaire est relativement plus longue et plus profonde, ce qui exacerbe le choc initial comme le démontre un récent document de travail du FMI.

La notion de fragilité va au-delà des déficiences des capacités institutionnelles et des conflits armés : elle est souvent ancrée dans des mécanismes politiques et économiques plus profonds qui empêchent toute reprise. L’accès restreint aux marchés financiers internationaux, la faiblesse des institutions et l’entrepreneuriat limité dans les pays fragiles font en sorte que la contribution du secteur privé à l’économie y est considérablement inférieure et que les possibilités d’emploi y sont moins nombreuses que dans d’autres pays.

Toutefois, certains pays fragiles sont parvenus à s’émanciper en privilégiant la gouvernance participative, la réforme des institutions et la diversification de l’économie. Les pays qui réussissent à faire reculer la corruption, à renforcer les institutions et à promouvoir la participation politique sont plus susceptibles de réduire leur fragilité selon notre analyse de cas passés fondée sur une approche d’apprentissage machine.

En effet, les enseignements du passé sont porteurs d’espoir. Après sa guerre civile en 2002, la Sierra Leone s’est efforcée de donner la priorité à la reconstruction des infrastructures et des services publics dans l’éducation et la santé, et le Libéria, qui est sorti d’un conflit en 2003, a renforcé ses institutions stratégiques et réduit sa dépendance à l’égard des industries extractives. Ces deux pays ont su profiter de moments décisifs pour redéfinir leurs attentes, rétablir la confiance et fixer un nouveau cap.

Emploi et revenu

Les PFC de la région sont à la fois des sources importantes de réfugiés et des pays hôtes clés. Malgré les difficultés et les contraintes aiguës, plusieurs PFC (dont le Cameroun, l’Éthiopie, le Niger et le Tchad) ont mis en œuvre des politiques novatrices de gestion des réfugiés, en accordant notamment à ces derniers le droit à la libre circulation, des permis de travail et l’accès aux services publics. Même si elles exigent des investissements et des moyens administratifs préalables, des stratégies d’insertion des réfugiés bien pensées peuvent stimuler l’emploi et les revenus du pays d’accueil et des réfugiés.

La transition vers une croissance et une résilience soutenues est une entreprise de longue haleine qui exige de la persévérance et une capacité d’adaptation, et qui ne se satisfait pas de solutions à court terme. Aucune politique ne peut garantir à elle seule le succès. En revanche, les possibilités de réussite des pays qui se concentrent sur des mesures comme la mise en place d’institutions inclusives, qui travaillent à l’avènement et au maintien de la stabilité économique et qui saisissent les occasions de procéder à des réformes clés sont nettement supérieures. Voici quelques-unes des politiques que nous recommandons :

  • Rétablir la stabilité macroéconomique dans les PFC par le renforcement des institutions budgétaires et une gestion plus rigoureuse des finances publiques.

  • Rebâtir la confiance en améliorant la gouvernance et en veillant à ce que les recettes, en particulier celles tirées des ressources naturelles, soient gérées de manière responsable.

  • Rendre possible une mobilisation plus large de la population et garantir une répartition plus équitable des ressources pour, au bout du compte, renforcer l’unité et la résilience de la société.

  • Constituer des partenariats à long terme avec notamment des donateurs pour éventuellement contribuer au renforcement des capacités, au financement des programmes sociaux et à l’atténuation des effets des chocs économiques, et ainsi s’assurer que la fragilité ne dégénère pas en une crise mondiale.

— Le présent billet s’inspire d’une note d’analyse produite dans le cadre des Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne rédigées par Wenjie Chen, Michele Fornino, Vidhi Maheshwari, Hamza Mighri, Annalaura Sacco et Can Sever. Pour plus d’information, prière de vous reporter à la stratégie du FMI pour les pays fragiles ou touchés par un conflit.

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