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La solution au problème d’accessibilité du logement au Canada : construire plus

Michal Andrle, Cheng Hoon Lim et Troy Matheson

Partout dans le monde, les décideurs s’inquiètent avec raison de la cherté du logement, car celui-ci répond au besoin fondamental d’avoir un toit au-dessus de sa tête. Le Canada n’échappe pas à ce problème. À Vancouver et Toronto, entre autres villes canadiennes, les loyers sont prohibitifs et pour bien des gens, l’accès à la propriété est devenu un rêve inaccessible.

Les Canadiens qui arrivent à réunir la mise de fonds requise doivent ensuite souscrire un prêt hypothécaire qui draine leurs ressources financières, d’où l’endettement record actuel des ménages canadiens.

Alors, comment réduire le coût du logement  ? Dans notre rapport le plus récent, nous proposons d’élever l’offre à la hauteur de la demande.

Pas de remède à court terme

Stimuler l’offre canadienne de logements abordables n’est pas chose simple. Dans plusieurs pays comme le Canada, la République tchèque, la Suède et le Royaume-Uni dont les grandes villes sont affligées par la cherté excessive du logement, on constate que les politiques de logement tendent à déclencher des controverses politiques.

Les décideurs s’en remettent donc souvent à des expédients : assouplissement de la réglementation prudentielle pour permettre aux ménages d’emprunter davantage (augmentation du ratio prêt/revenu ou prêt/valeur), mise en place ou augmentation de la déductibilité fiscale des intérêts hypothécaires ou subvention directe à l’achat de logements.

Selon nos recherches, même si ces politiques qui accroissent la capacité d’emprunt des ménages partent d’une bonne intention, il arrive qu’elles aient l’effet indésirable de faire grimper les prix des maisons et de pousser les acheteurs à souscrire des prêts plus lourds, et ce faisant, d’augmenter le ratio d’endettement des ménages.

En effet, comme l’offre de logements à court terme demeure la même, la capacité d’emprunt accrue des ménages stimule la demande et provoque une hausse des prix qui aggrave le problème d’accessibilité.

C’est la conclusion que nous tirons d’une comparaison entre l’évolution des prix des logements dans onze régions métropolitaines de recensement du Canada et la capacité d’emprunt des ménages — le prix « atteignable ».

Les bas taux d’intérêt alimentent la flambée des prix

Comment calcule-t-on le prix « atteignable » d’un logement ? Dans notre plus récente étude [lien], nous calculons ce prix en utilisant le prêt hypothécaire maximal qu’un ménage peut obtenir d’une banque en fonction de la mise de fonds versée et du coût du service de la dette.

Selon notre étude, le prix médian des logements dans la plupart des villes canadiennes tend à augmenter au même rythme que la capacité d’emprunt des ménages et la dépasse parfois.

Au fil des ans, le revenu des acheteurs a augmenté et depuis 20 ans, les taux d’intérêt ont considérablement diminué, ce qui a rendu les acheteurs admissibles à des prêts plus importants. Cette capacité d’emprunt majorée s’est rapidement traduite par une augmentation des prix.

On l’a bien vu à Toronto et à Vancouver où les prix des logements ont allègrement dépassé le prix atteignable, ce qui a mené à une longue période de surévaluation.

Dans l’ensemble, cette situation a contribué à l’augmentation des mises de fonds en pourcentage du revenu et à l’augmentation du ratio des prêts à la valeur des logements.

Toutefois, comme les taux d’intérêt hypothécaires stagnent et que la croissance des revenus ralentit, les Canadiens n’auront plus accès à des prêts hypothécaires aussi élevés, d’où une baisse de la demande de logements et donc, des prix, et un retour à une plus grande accessibilité. Si la baisse des prix des logements est trop abrupte, il risque d’y avoir perturbation du marché.

La solution de l’offre

Pour régler de manière plus durable le problème de l’accessibilité du logement, les administrations régionales et fédérale canadiennes doivent conjointement élaborer et mettre en œuvre une stratégie globale d’augmentation de l’offre.

Il faudrait notamment :

  • accélérer la fourniture de terrains immédiatement constructibles ;
  • abréger le processus d’obtention des permis de construire et de rezonage ;
  • accroître la transparence du processus d’approbation et la certitude quant à son déroulement ;
  • limiter dans le temps les plans de développement afin d’éviter les retards de construction ;
  • réévaluer les politiques de contrôle des loyers pour accroître l’offre de logements locatifs et procurer aux ménages un plus vaste choix ;
  • évaluer l’offre de mesures d’incitation aux promoteurs immobiliers pour les amener à construire davantage de logements spécialement adaptés et ainsi rééquilibrer l’offre de logements locatifs.

La création récente au Canada d’un groupe d’experts sur l’avenir de l’offre de logements et l’abordabilité, ainsi que l’élargissement de l’initiative de financement de la construction de logements locatifs afin de stimuler l’offre d’unités de logement locatives à l’intention des ménages à revenu moyen constituent assurément autant de pas dans la bonne direction.